Apparu sur la scène italienne en 2003 avec NUVOLE DI IERI, Nicola RANDONE a poursuivi sa carrière en publiant RICORDO en 2004, puis HYBLA ACT 1 en 2005. Après cette trilogie, RANDONE remet le couvert en 2009 avec la parution de LINEA DI CONFINE, avant de réapparaître en 2014 avec ce récent ULTREIA. Si Nicola RANDONE est le leader naturel de la formation, compositeur, chanteur, claviériste et guitariste acoustique, il est accompagné sur cet opus par Marco CRISPI à la guitare électrique, Livio RABITO, basse ; Maria MODICA, chant solo ; Riccardo CASCONE à la batterie, tandis qu’on note la participation de l’illustre Beppe CROVELLA aux claviers vintage. 12 titres pour 70’26 de musique, c’est à un véritable voyage au long cours que nous sommes conviés. Comme sur les albums précédents, le cœur de la musique de RANDONE se situe au cœur de la tradition du progressif symphonique italien, privilégiant les mélodies étincelantes, les arrangements luxuriants, les séquences de chant lyrique, ce qui n’empêche pas cette musique de dégager une certaine puissance conférée par les guitares électriques ainsi que par les nombreux breaks proposés par la section rythmique. Les claviers (avec Nicola RANDONE & Beppe CROVELLA) se révèlent centraux, les sonorités plus contemporaines de RANDONE se mariant superbement avec les claviers vintage du grand Beppe CROVELLA (claviériste d’ARTI & MESTIERI), avec en toile de fond, un Mellotron éthéré, (Ultreia, 7’16). Débutant sur de doux arpèges acoustiques, La Cabra Negra (6’17) poursuit sur des accords de guitare électrique mordants, aux sonorités bien contemporaines, mais d’une grande mélodicité tandis que les harmonies vocales de Livio RABITO, Maria MODICA & Nicola RANDONE sont un modèle de lyrisme italien, qualificatif qu’on peut aussi employer pour les envolées de guitares électriques tutoyant volontiers le suraigu. Il s’agit d’une composition épique, avec ses envolées, ses moments d’aération, de passages plus doux (la guitare acoustique de RANDONE, l’orgue Hammond rêveur de CROVELLA…) Belle introduction de guitare électrique en ouverture d’Il Canto Della Vita (7’15) bientôt assortie du chant radieux de Nicola RANDONE qui dessine une magnifique mélodie vocale. Ce titre plus climatique, doté de superbes arrange-ments entretiennent un climat des plus vaporeux, on apprécie particulièrement les volutes de flûte de Massimiliano SAMMITO bientôt rejointes par une envolée de guitare lyrique, tandis qu’un peu plus loin, on est charmé par la douce voix de Maria MODICA ; la fin du morceau se perd dans les brumes… Mariposas (4’01) est une composition flottante, agrémentée par de beaux arpèges de guitare électrique vibrants, irréels accompagnant la narration de Nicola RANDONE, parfois traversée par des claviers aux sonorités trafiquées. La guitare électrique de Marco CRISPI partage bientôt sa prééminence avec les synthétiseurs analogiques de RANDONE et l’orgue Hammond fugitif de CROVELLA, l’ensemble créant une musique majestu-euse au puissant pouvoir évocateur, tour à tour rêveuse, joviale, mélancolique… Une splendeur. Soy Pelegrino débute sur l’explosion d’un orage, déchainant la guitare électrique en éruption, soutenue à l’orgue. La section rythmique, tout en soubresauts, hachée à souhait poursuit cette veine explosive, tandis que le chant puissant de Carmelo CORRADO CARUSO nous transporte en plein opéra.
Qui Ed Ora (7’06) renoue avec la veine la plus romantique, la plus mélodieuse de la musique de RANDONE, avec des parties vocales voluptueuses, accompagnées par une guitare électrique de braise, qui couve sous la cendre, prête à exploser… mais qui n’explose pas. Plus loin ressurgit le Mellotron irréel survolant une partie de guitare mi dissonante, mi harmonieuse inventive et aventureuse, rehaussée au synthétiseur et au Minimoog, tandis que les chœurs entrent en action. Le mélange piano/claviers est délectable, conduit par une section rythmique souple et légère ainsi que par une guitare grondante à la sonorité saturée, rampante avant un nouveau passage climatique. Guitare électrique et orgue entrent alors en fusion pour un moment de grande intensité. On salue l’intelligence et l’inspiration de cette musique. L’ensemble se conclut sur un magistral coup de gong.
El Trovador en Amorado (3’40) débute sur une séquence de piano, harpe et violoncelle des plus langoureuses, tandis que s’élève le timbre de voix harmonieux de RANDONE. La section rythmique entre en action sur un tempo médium avec roulements de batterie, la guitare acoustique dessinant de beaux motifs hispanisants. Les arrangements de claviers évoquent la trompette tandis que surgit le Mellotron. L’instrumentation se dévoile encore très originale, tandis que l’écriture s’avère d’un raffinement et d’une inventivité extrême. L’utilisation extrême-ment recherchée des sonorités de claviers est à souligner. Rosa, introduit à l’harmonica et sur de doux arpèges de guitare électrique, nous envoûte ; l’effet étant redoublé par l’arrivée de la voix melliflue de Maria MODICA, qui monte bientôt en amplitude alors que la musique monte en puissance (la guitare électrique accompagnée par la section rythmique). Le piano, aux doux effluves classiques accompagne, rejoint par des claviers flottants, parfois plus orchestraux. On est quelque peu surpris de quelques légères attaques un rien métal de la guitare de Marco CRISPI avant que les chœurs soutenus à l’acoustique confèrent bien vite un climat très folk. So Close, So Far Away débute sur une sublime séquence conjointe d’orgue et de Mellotron, bientôt remplacée par un accompagnement de guitare acoustique rejointe par l’harmonica : on est proche du meilleur Neil YOUNG, mais le retour de la belle voix grave de Nicola RANDONE nous rappelle qu’on est en Italie, les splendides arrangements de claviers subséquents nous le confirmant. On n’est pas non plus loin du climat du meilleur Roger WATERS (le plus mélodieux et apaisé) avec ces mélanges de chœurs puissants, précédés ou suivis par une voix suave, poursuivis par un orgue Hammond des plus flamboyants, tandis que la guitare grondante est de sortie. On salue l’écriture complexe de la composition, ses multiples rebondissements, sa grande intelligence de l’agencement des sonorités ainsi que ces contrastes, habilement imbriqués.
Hasta La Vista, Diego (6’01) offre une introduction très cinématique, avec narration sur fond d’orchestre symphoni-que, explosion rythmique en fond, suivie d’une éruption de guitare électrique aux attaques métal, précédant un contexte très heavy et foisonnant, d’une superbe densité presque étouffante. La guitare caracole en tête, tandis que la rythmique déferle, caracole et qu’en fond, puis au premier plan surgissent des claviers cinématiques, devenant triomphants, luxuriants. Voici une pièce sombre, au caractère métallique dominant mais dont l’originalité l’insère nécessairement dans une approche progressiste. De manière surprenante, la composition se conclut sur une resplendissante partie de piano classique, sur fond de narration. Quelle fraicheur et quelle inventivité ! La Iglesia De La Virgen Blanca (4’55) débute sur un mélange de guitares acoustiques cristallines et d’une guitare électrique flottante, bientôt relayée par le chant de CRISPI. Les claviers surgissent en toile de fond avec quelques fulgurances de Moog, la guitare soloïse sur quelques turpitudes rythmiques mais pour l’essentiel les claviers ont la parole, se mélangent, se succèdent, luxuriants, flamboyants accompagnant une voix de baryton (Carmelo CORRADO CARUSO). L’ensemble est tendu, entêtant, tournoyant, en perpétuelle mutation. Grisant ! Santiago débute sur un mélange de guitare électrique vibrante et claviers analogiques sur les hauteurs offrant une superbe assise symphonique. Suit un chant baryton dans la meilleure tradition de l’Opéra Italien, prélude à de nouvelles digressions instrumentales dans lesquelles les claviers se taillent la part du lion. Maria MODICA donne la réplique à Carmelo CORRADO CARUSO tandis que les guitares électriques rougeoient en toile de fond. C’est dans une atmosphère lyrique sur un mode très heroic fantasy que se termine ce superbe album d’une incroyable fraicheur créative. Si cette création de RANDONE n’est sans doute pas la plus accessible de sa discographie (4 ou 5 auditions au moins seront nécessaires pour se l’approprier), elle se révèle la plus ambitieuse et la plus élaborée. Nicola RANDONE a su prendre son temps. Il vient de signer un chef- d’œuvre !
18/20
Didier GONZALEZ